• Des pieds noirs militent pour l'apaisement des consciences "J’affirme que les PN n’étaient pas tous OAS, loin de là" Jacky Malléa

     

    Des pieds noirs militent pour

     

    l'apaisement des consciences

     

    "J’affirme que les PN n’étaient

     

    pas tous OAS, loin de là"

     

     

    Jacki Malléa

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    Jacki Malléa, délégué régional de l'APNPA. PHOTO/Photo Harry Jordan

     

    "La guerre d'Algérie a commencé le 8 mai 1945", insiste Jacki Malléa, délégué régional de l'APNPA (Association des pieds-noirs progressistes et leurs amis). Né à Guelma en 1940, il se souvient même des mouvements de foule ce jour de l'Armistice où les Algériens qui manifestaient ont été massacrés, comme à Sétif d'ailleurs.

    "La France avait laissé entendre aux Arabes qui s'étaient engagés à leurs côtés pendant la Seconde Guerre mondiale qu'ils auraient droit à leur indépendance", rappelle inlassablement ce militant engagé. Parce qu'il estime qu'il "est important pour lui de dire ce qu'il a vu et entendu", il s'est donc engagé aux côtés des pieds-noirs progressistes. L'association, qui compte presque 200 militants au niveau national tient des assemblées générales. L'occasion pour elle de dresser le bilan des actions menées jusqu'à présent. L'APNPA a été invitée dans des colloques partout en France, écrit de nombreuses lettres ouvertes notamment contre le projet d'implantation d'une stèle en hommage au général Bigeard à Fréjus... «Nous protestons généralement contre le laisser-aller des autorités face aux agissements des 'nostalgériques'. Nous militons également pour le rapprochement de la France et de l'Algérie". Après avoir surtout joué un rôle d'opposition, - l'APNPA a manifesté dernièrement contre la pose d'une plaque hommage à un ancien de l'OAS dans un cimetière du Jura -, l'association a décidé d'être davantage force de propositions. "Nous voulons organiser des débats autour du 8 mai 1945. Il est vraiment important de parler de ces années avant 1954 pour bien comprendre la guerre d'Algérie". A ce titre, Jacky Malléa est d'ailleurs déjà intervenu dans des collèges et lycées. Il a également souvent été interpellé par la communauté pied-noir. "J'ai reçu une lettre anonyme, des appels téléphoniques où on m'insultait sans me laisser le temps d'expliquer mon histoire et ma démarche", regrette-t-il tout en prônant "l'apaisement des consciences. 50 ans après, il est temps que la vérité ressorte". Une parole libre qui ne demande qu'à s'exprimer.

     

    Jacki Malléa, de Guelma aux Pyrénées Orientales

    De Malte aux Pyrénées Orientales

    C’est dans les années 1840 que des Maltais quittent LA VALETTE pour rejoindre l’Afrique du Nord. C’étaient mes ancêtres. Quand ils arrivent en Algérie, ils ne parlent pas les langues, Français, Arabe. Ils vivent en communauté et se marient entre eux.

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    Issu d’une de ces familles, je nais en juillet 1940 à GUELMA (Est Algérien). Je grandis dans une famille de bouchers. Je vais à l’école où on m’enseigne que mes ancêtres étaient gaulois. A l’époque je ne savais pas que ma famille était maltaise. Donc va pour les gaulois. Je me retrouve dans la cour de l’école avec des Juifs, des Arabes, des Mozabites. Je joue au basket, avec des Juifs, des Arabes. J’ai 14 ans quand "les événements commencent". Les Aurès c’est loin, on continue à jouer au basket, et on commence à regarder les filles.

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    En août 1955, "les événements" se rapprochent. Lors d’une fusillade, je dois la vie à un carrelage mal scellé sur la place de ma ville qui me fait trébucher au moment où une rafale de mitraillette est tirée dans ma direction. Là je commence à comprendre qu’ici aussi, il y a des "événements". Tant bien que mal la vie continue. Notre jeunesse commence à sentir les méfaits de cette guerre que l’on ne nomme pas encore "guerre". Le couvre-feu nous oblige à rentrer dès 20h, parfois 18h. Il n’y a plus de bals populaires, il est dangereux d’aller au cinéma. Dés le début des "événements", la famille se regroupe.

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    Deux frères de ma mère, et leurs familles viennent habiter en ville dans le logement à côté du nôtre. Nous ouvrons une cloison, pour ne faire qu’un appartement. Nous prenons tous les repas ensemble. C’est là que je commence à entendre parler du 8 mai 1945. J’apprends que le sous préfet Achiari avait constitué des milices d’européens pour répondre aux attaques des Arabes. Pendant longtemps j’ai cru que le 8 mai 1945, les Arabes étaient descendus dans les rues avec des armes et avaient attaqué les Européens. Mais je continuais à vivre avec eux. J’en rencontrais qui travaillaient avec mon père, à l’école, et dans la rue.

    A 17 ans, ayant quitté l’école, je me retrouve employé de banque. Le dimanche j’allais donner un coup de main à mon père à la boucherie. Un dimanche, un de mes anciens copains, arabe, avec qui je jouais au basket est venu me voir. Il y avait six mois que je ne le voyais plus. Il me raconta qu’il travaillait au Sahara dans le pétrole. Je sortais en ville avec lui, jusqu’au jour où il m’annonça qu’il repartait. Quelques temps plus tard, un autre copain, européen vient me chercher. Il avait quelque chose à me montrer. Arrivés sur la place, un attroupement me fit comprendre qu’il y avait quelque chose à voir. Mon copain m’incita à aller devant, sans rien me dire. Je me frayais un passage. La scène me figea sur place. A terre gisait un cadavre, celui de mon copain, qui, soi-disant, travaillait au Sahara. Habillé en militaire, il portait un écriteau "Chef FLN abattu cette nuit". Là, je prends conscience de l’absurdité de cette guerre. Comment pouvais-je considérer que ce combattant était un ennemi ? Quelques mois plus tard, c’est un copain européen qui est tué au combat, dans l’armée française. Il y avait de quoi se perdre.

    19 ans, je commence à penser que l’âge de partir à l’armée va arriver. Cela me pose problème. Je ne veux pas combattre, car je pense que cette guerre n’est pas la mienne. J’en parle un jour avec un copain juif. Quelques jours après, il me dit avoir eu connaissance de la création d’un nouveau corps d’armée "Les moniteurs de la jeunesse Algérienne". Mais pour y entrer, il faut s’engager au moins 2 ans. Je suis donc obligé de démissionner de mon poste d’employé de banque afin de pouvoir m’engager. Après un séjour de 6 mois à ISSOIRE, je retourne en Algérie, dans les Aurès, où je vais, jusqu’en mars 1962, m’occuper de jeunes Algériens. En juillet de la même année, après les recommandations d’un autre copain algérien, je me décide, à contre cœur, à quitter ce pays.

    Depuis 1977, j’y retourne régulièrement, toujours à Guelma où des liens se tissent nous rappelant que cette guerre n’était pas la nôtre. Un film sorti en 2008, de Medhi Lallaoui, Les Parfums de ma Terre retrace ce parcours. Je voulais absolument laisser une trace de cette période douloureuse afin, surtout de rétablir, des vérités.

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    Je ne suis pas un "rapatrié", car ma patrie, c’était l’Algérie. Et plus encore depuis que mes nombreuses lectures m’éclairent sur ce passé. Les atrocités du 8 mai 1945, où à Guelma, la répression a duré jusqu’au 26 juin 45. A Guelma où on a brulé des Arabes dans un four à chaux. Les morts innocents s’entassaient le long des routes. Le livre de Marcel REGGUI est éloquent. En 1989, j’ai essayé de regrouper des Guelmois au sein d’une association. Très vite en annonçant mes objectifs, à savoir, recréer des liens avec les Guelmis (Algériens), j’ai dû démissionner. Cette association existe toujours. Elle a longtemps été dirigée par un responsable du FN. Je n’ai plus fréquenté aucune association PN [Pieds Noirs], jusqu’au jour, après l’inauguration du mur des disparus à Perpignan, l’idée d’en créer une, mais avec nos idées, voit le jour, l’ANPNPA. A l’aide du film, au cours de débats très intéressants, j’affirme que les PN n’étaient pas tous OAS, loin de là.

    Je dis également que si le problème algérien avait été pris en compte bien avant 1945, si les Européens avaient voulu partager, enfin si la France avait voulu régler le problème autrement, la vie en Algérie aurait été possible. Au cours d’un de mes voyages à Guelma, un ancien copain d’école me posa cette question : Jacky, te rappelles-tu du nom de l’équipe de foot de Guelma ? Mais oui, c’était l’ESFMG. Alors, me dit-il qui voulait dire quoi ? Heu... Entente Sportive… Je venais de prendre conscience de tous ces petits faits qui en disaient long !! Entente Sportive Franco Musulmane Guelmoise. C’était dans les années 1950. Les musulmans n’étaient pas Français ? Pourquoi pas "Catholique Musulmane" ?

    Pour moi aujourd’hui, la seule consolation que j’ai, c’est celle de n’avoir pas de sang sur les mains.

    Jacky Malléa

    LES COMMENTAIRES
     

    BELAADA Hocine16/07/2015 17:17 

    Je suis très ému, très touché et même bouleversé, je n'ai pas vécu votre époque et je partage cette émotion nostalgique avec un grand honneur : " Rentrez chez vous bienvenue à GUELMA c'est votre ville" Je souahierai que vous me donniezer des nouvelles de la famille du docteur JUAN, assassiné dans la rue MOGADOR par un jeune militant Mohamed DEBBABI, je pense qu'il a eu des remords de son acte, d'après ce que ma mère m'a raconté, c'était le toubib des pauvres PIEDS NOIR DE GUELMA. JE VOUS AIME.

    Jacques CROS le 17/07/2015 à 12 h 11

    Je suis né la même année que Jacki Malléa. J'avais passé mon certificat d'études primaires et mon BEPC quelques mois avant que la guerre d'Algérie n'éclate. Je ne savais pas que six ans plus tard je serai concerné par son déroulement ! Je n'ai pas eu à souffrit du FLN ni de l'ALN mais de l'armée française alors là oui ! J'ai été écarté de toute responsabilité. Quelle absurdité que cette guerre! Enfin en 1954 / 1955 je préparais le concours d'entrée à l'Ecole Normale d'Instituteurs. Mais comme la guerre a duré plus de sept ans j'ai été enrôlé pour la faire. Oh, je n'ai pas fait de zèle ! Le moins que j'ai pu. Mais quel gâchis ces longs mois perdus quand on a vingt ans !

     

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