• "Instituteur en Algérie avant et après l’indépendance" le témoignage de Daniel Dayot

    "Instituteur en Algérie avant et après l’indépendance" le témoignage de Daniel Dayot

    Daniel Dayot ici avec Stéphane Hessel

    Instituteur militaire pendant deux ans en Algérie, Daniel Dayot  y retournera en coopération pour deux autres années. Il fera en tout neuf années d’enseignement en Afrique.

    Je suis né  le 7 janvier 1938 à Planguenoual (Côtes-d’Armor). Aîné des huit enfants d'une famille d'agriculteurs (fermiers), j’ai réussi à faire des études secondaires grâce à une bourse. Une fois instituteur titulaire, pas question de prolonger un sursis que je considérais comme un passe-droit par rapport aux copains agriculteurs que j'avais côtoyés sur les bancs de l'école, les études supérieures attendront les années 60.

    Incorporation dès le 1er juillet 1959 au 2ème RIMA à Nantes et, malgré les pressions amicales sur place (« Tu vas te faire repérer »), je refuse d'intégrer le peloton EOR ; ce sera d'ailleurs sans conséquence. On me met d'office dans la section P1. Pas de bonjour. « Vous êtes ici pour apprendre à tuer ». C'est la formule d'accueil, que je n'ai jamais oubliée, de l'aspirant qui nous commande. Bon esprit dans notre groupe : pas de mouchard, peu de pratiques vexatoires à côté de ce qu'on voyait de la part de ce sergent-chef aviné qui faisait ramper sa section de chauffeurs sur une allée de pierres coupantes.

    12 novembre 1959, embarquement à Marseille et, via Alger, direction Tazmalt pour le 11ème RIMA,  rapidement intégré au 2ème RIMA. Plutôt traumatisant de se retrouver à chaque coin de rue confronté au portrait ensanglanté de Mirah (le successeur d'Amirouche) : c'était la fin de l'opération « Jumelles ». Pendant 2 ans, je resterai instituteur militaire - gardes à la clé comme tout le monde, bien sûr. D'abord affecté dans la section qui occupait un poste isolé en Petite Kabylie. Forte majorité d'engagés d'Afrique subsaharienne travaillés par l'accès à l'indépendance de leurs pays d'origine et dont certains souhaitaient résilier leur engagement (6 ou 7 hexagonaux d'origine) ; un sergent Pied-Noir raciste, à l'origine de la torture d'une femme et qui fait l'unanimité contre lui.

    Mon « mauvais esprit » fait qu'on se débarrasse de moi au bout de huit mois, pour m'envoyer dans une ferme de la vallée remplacer un autre instituteur appelé (séminariste) qui s'était élevé contre la torture d'un vieillard raflé. Je me retrouve avec un peloton de chasseurs,  bientôt remplacé par une section du 2ème RIMA. En même temps qu'enseignant, je m'efforce d'apporter des soins aux enfants dont beaucoup sont atteints de trachome[1]. De là, on m'envoie au PC de la compagnie, sur les contreforts du Djurdjura, et c'est là, alors que j'étais chef de poste la nuit, que j'appris la tentative de putsch des généraux en avril 1961. De l'inquiétude, mais peu de réactions ; le capitaine attendait sans doute la position de sa hiérarchie. On me renverra dans la ferme de la vallée pour mes derniers mois.

    Je n'ajouterai rien à ce que d'autres ont su mieux rapporter que moi sur les horreurs de la guerre et l'avilissement des opprimés comme de leurs oppresseurs. Rien, sinon qu'il a fallu du temps pour que cette période éprouvante cesse – presque - de me hanter. Et pourtant, à lire certains témoignages, je dois reconnaître avoir été plutôt préservé.

    En 1964, jeune marié, je retournai pour deux ans en coopération dans l'Oranais : deux années toniques, malheureusement assombries par le coup d'Etat de Boumedienne avec le retour en force des religieux et ce qui s'en est suivi. Quand j'étais au Maroc, en 1989, je suis retourné en Algérie qui était en pleine ébullition – les élections municipales n'avaient pas encore eu lieu. Et en 1989 comme en 1964, il y avait cet accueil incroyable des Algériens qui en ont vu de dures et qui continuent de dire ce qu'ils pensent. Quel gâchis cependant de constater une fois de plus que la violence ne sait que se nourrir elle-même !

                                                               Daniel DAYOT

     [1] Trachome = conjonctivite granuleuse... endémique dans certains pays chauds. 

     



     

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