La destruction de Gaza
doit cesser
Des habitants de la ville de Gaza fuient vers le sud de l’enclave, le 18 novembre 2023.© Fournis par Le Monde
Déjà exsangues par seize années d’un impitoyable blocus, les 2 millions de Palestiniens vivant dans la bande de Gaza subissent depuis six semaines les frappes et les opérations de l’armée israélienne sur leur sol. Alors que les preuves de l’éradication des responsables du Hamas tardent à se manifester, les civils se retrouvent privés de tout, condamnés à l’errance.
Au quarante-cinquième jour de la guerre déclenchée par les massacres du Hamas contre des civils israéliens, le constat est implacable : les Palestiniens de Gaza ne comptent pas. Aux yeux des miliciens, tout d’abord, qui ont lancé leur attaque et leurs prises d’otages sans aucune considération pour leurs conséquences. A ceux de l’armée israélienne, ensuite, lancée dans un objectif, l’éradication du mouvement islamiste, auquel est subordonné le sort de plus de 2 millions de civils, aussi fragiles et démunis soient-ils. Aux yeux des alliés occidentaux de l’Etat hébreu, enfin, qui continuent de juger, à quelques toussotements près, que ce prix à payer est somme toute acceptable.
Depuis que les militaires israéliens ont pris le contrôle de la moitié nord de Gaza, les preuves de l’éradication du Hamas tardent à se manifester. Celles de la destruction de quartiers entiers de la plus grande ville palestinienne, en revanche, sont à la disposition de qui veut bien les voir, en dépit du huis clos imposé par Israël. Le cas de la ville de Gaza n’est pas unique. Partout, dans la partie investie par l’armée israélienne, l’assaut contre les miliciens et leurs infrastructures se solde en milliers de morts, un chiffre dont les autorités américaines ne doutent plus, et en milliers de bâtiments rasés ou sérieusement endommagés, notamment dans les camps de réfugiés.
Traumatisme de la Nakba
Réseaux d’eau et d’électricité, voirie, écoles, hôpitaux, rien n’échappe aux frappes ou aux opérations israéliennes qui ont culminé avec la prise de l’hôpital Al-Shifa, qualifié depuis de « zone de mort » par l’Organisation mondiale de la santé. Les autorités israéliennes assurent qu’il ne faut y voir nul esprit de vengeance après les massacres du 7 octobre. Le motif de la présence suspectée ou avérée de miliciens ou de tunnels sert de justification générique aux destructions ou à la mise à l’arrêt d’infrastructures de santé cruciales en temps de guerre. Comment décrire autrement, pourtant, le travail méthodique qui fait que la moitié des bâtiments de Gaza, dont la densité de la population est l’une des plus élevées au monde, est désormais détruite ou endommagée, selon des estimations concordantes.
Les Palestiniens n’en ont d’ailleurs pas fini avec ces ravages, si on en croit les autorités israéliennes, qui ont annoncé, le 19 novembre, une nouvelle phase de leur opération. Elle vise désormais la grande ville de Khan Younès, au Sud. L’armée israélienne compte y pourchasser les responsables du Hamas qui ne se trouvaient manifestement pas dans ce qui a été réduit à des champs de gravats et où ont été prises au piège des milliers de personnes.
Civils privés de tout, livrés à eux-mêmes et à une tragique errance, campements de fortune, dénuement extrême, tel est désormais le quotidien de Gaza. Il fait revivre à ses habitants le traumatisme de la Nakba, la « catastrophe » qu’avait été leur déplacement forcé lors de la première guerre israélo-arabe (1948-1949). Celle en cours frappe une étroite bande de terre structurellement au bord du gouffre du fait d’un blocus impitoyable, terrestre comme maritime, imposé par Israël depuis seize ans, avec le concours de l’Egypte d’Abdel Fattah Al-Sissi. Année après année, les statistiques socio-économiques effarantes de la Banque mondiale ont attesté du désastre, mais les Palestiniens de Gaza, déjà, ne comptaient pas.
SOURCE : La destruction de Gaza doit cesser (msn.com)