Chargée de recherche au CNRS, Sylvie Thénault est spécialiste du droit et de la répression coloniale en Algérie. Elle a d'abord travaillé sur la guerre d’indépendance, en s'intéressant aux législations d'exception alors mises en oeuvre, ainsi qu'aux procès, aux condamnations et aux centres de détention. Elle a récemment élargi ses recherches à l’ensemble de la période 1830-1962, en restituant, sur cette longue durée, l'histoire de l'internement administratif.
Elle a notamment publié Algérie : des "événements" à la guerre. Idées reçues sur la guerre d'indépendance algérienne (Le Cavalier Bleu, 2012), Histoire de la guerre d’indépendance algérienne (Flammarion, 2005, rééd. coll. « Champs », 2012), Violence ordinaire dans l'Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à résidence (Odile Jacob, 2012).
L'état d'urgence plonge ses racines
dans la guerre d'Algérie
Au moment où l’on s’interroge sur la prolongation de l’état d’urgence, qui devrait prendre fin le 26 février, l’historienne Sylvie Thénault, invitée de Thomas Snegaroff, revient sur une mesure qui prend racine pendant la guerre d’Algérie. Quelles sont les différences avec la situation actuelle ? Quels enseignements pouvons-nous tirer de l’Histoire ?
Le premier novembre 1954, le Front de Libération Nationale (le FLN), lance l’insurrection contre le pouvoir français en Algérie, une période appelée : la Toussaint rouge. Les troupes se déploient contre les maquis, et les militants fichés sont arrêtés. Mais l’Algérie comporte alors trois départements français. Le gouvernement de l’époque, qui a du mal à répondre à ces attaques, refuse de déclarer l’état de guerre, il crée donc un état intermédiaire « plus libéral et plus souple » selon Edgar Faure, président du Conseil en mars 1955 : l’état d’urgence est né. Son but est de permettre au gouvernement de prendre des décisions plus rapidement.
Trois ans en plus tard en 1958, Charles de Gaulle est à la tête du pays. En Algérie quatre généraux prennent le pouvoir : c’est le putsch d’Alger, l’état d’urgence est étendu à toute la France par l’article 16 de la nouvelle constitution. Le gouvernement peut désormais prendre des décisions sans passer par la voie parlementaire.
« L’Etat d’urgence était un moyen de lutter contre le FLN, sans déclarer la guerre , explique l’historienne Sylvie Thénault, avec l’état d’urgence, les pouvoirs spéciaux restent aux mains du pouvoir civil et ne sont pas transférés à l’armée. C’est la différence avec l’état de guerre ».
La mesure provoque un important débat à l’Assemblée, les socialistes et les communistes s’y opposent fermement. Pour eux, il s’agit d’un prétexte pour lutter contre le mouvement ouvrier. Derrière cet état d’urgence se posait donc la question des vraies raisons qui ont poussé le gouvernement à le déclarer, et des décisions qui peuvent être prises dans ce cadre exceptionnel.
Aujourd’hui, c’est l’interdiction de se rassembler qui fait débat. Par exemple, pendant la COP 21, les zadistes ne pouvaient pas manifester. L’Etat d’urgence aurait-il d’autres usages ? « Nous ne pouvons pas prévoir à quoi il sera utilisé », indique l’historienne.
Au total, l'état d'urgence aura duré deux ans, il prend fin en mai 1963, soit un an après la fin de la guerre. A noter qu'il duré principalement en France métropolitaine, puisqu’il n’a été en vigueur que pendant trois mois en Algérie. Mais pouvons-nous comparer cette période à notre situation actuelle ? « Nous pouvons tirer les enseignements de cette expérience, même si les univers historiques sont très différents, l’état d’urgence reste un appel à la vigilance », souligne Sylvie Thénault.
SOURCE : http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/letat-durgence-plonge-racines-guerre-dalgerie-1205636
MERCI DE COUPER LA VIDEO APRES L'INTERVIEW
DE SYLVIE THENAULT, CE QUI SUIT N'A RIEN A VOIR
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