La France sera-t-elle le pays
des Lumières qui s’éteignent ?
Législatives 2024 : face
à l’extrême droite, aucune voix ne doit
manquer
Le score sans précédent obtenu par l’extrême droite aux élections législatives anticipées peut lui ouvrir les portes du pouvoir. L’heure est au sursaut républicain pour éviter le pire au second tour, dimanche 7 juillet. Le Nouveau Front populaire, pour le moment deuxième force du pays, doit redoubler d’efforts pour faire rempart.
La France sera-t-elle le pays des Lumières qui s’éteignent ? L’extrême droite n’y a jamais été si près des portes du pouvoir. Tel est le principal enseignement du premier tour des élections législatives anticipées du 30 juin, convoquées suite à la dissolution surprise de l’Assemblée nationale il y a trois semaines par Emmanuel Macron.
Un coup de poker irresponsable, qui met en péril la démocratie dans l’Hexagone. Car avec 10,63 millions de voix et 33,15 % des suffrages exprimés selon le ministère de l’Intérieur, le Rassemblement national (RN) peut espérer remporter une majorité absolue des sièges à l’issue du second tour dimanche 7 juillet.
En deux ans, cette famille politique qui incarne la négation même de tout ce que la France a pu prétendre apporter d’inspirant et de vertueux à l’humanité, enregistre même un gain de 12 points. Lors des élections législatives de 2022, le RN avait totalisé 18,68 % des suffrages, et Reconquête 4,24 % (soit un total de 22,92 %).
Le parti de Marine Le Pen serait désormais à 33,15 % dans notre pays (et Reconquête à 0,75 %). Ce bloc de haine et de peur, de rejet des autres, de mesures simplistes et discriminantes, ce bloc d’insultes à l’intelligence individuelle et collective, n’a jamais été aussi haut dans notre histoire électorale. Le tout alors même que la participation a bondi de 19 points : de 47,51 % en 2022, elle est passée à 66,71 % hier soir.
Le NFP face à l’extrême droite dans l’écrasante majorité des circonscriptions
L’autre enseignement de ce premier tour, c’est que la gauche, rassemblée au sein du Nouveau Front populaire (NFP) ne se résigne pas et relève le défi. C’est elle qui sera face à l’extrême droite dans l’écrasante majorité des circonscriptions. Emmanuel Macron n’a cessé de vanter un besoin de « clarification » pour expliquer sa décision de dissoudre au soir même du score massif obtenu par le RN aux élections européennes du 9 juin, plaçant de fait Jordan Bardella et Marine Le Pen dans les meilleures dispositions possibles.
Le président de la République espérait piéger la gauche et la voir exploser, pour se poser en seul rempart face à l’extrême droite. Mais les forces de gauche, alliées au sein du NFP, font mieux que résister : elles progressent. Avec 27,99 % des voix (soit 8,97 millions), le NFP obtient plus que la précédente coalition de gauche, la Nupes, qui avait rassemblé 25,66 % des suffrages en 2022.
Les partis de la « majorité » présidentielle reculent, de leur côté : de 25,75 % des voix en 2022, ils tombent à 20,04 % (6,43 millions de voix), quand le parti de la droite dite classique, Les Républicains et le bloc divers droite, reste stable, avec 10,63 %. La France compte donc au final toujours trois blocs politiques, mais la Macronie n’est plus du tout dominante, et la « clarification » n’a pas encore eu lieu.
Nul doute qu’elle interviendra lors du second tour, alors que de très nombreuses triangulaires sont attendues. Qui a vraiment à cœur la défense de la République ? Qui jouera sans barguigner le jeu du désistement pour appeler clairement à voter contre l’extrême droite dans toutes les circonscriptions du pays alors que la vague brune menace ? L’heure n’est plus (l’a-t-elle jamais été ?) aux calculs irresponsables du président, qui condamne d’une même voix « les extrêmes », renvoyant dos à dos le RN et la gauche.
« Que reste-t-il de républicain aux Républicains lorsqu’ils n’appellent pas clairement à faire barrage au RN au second tour ? »
L’heure est à sauver la République et notre démocratie, certes défaillantes, pour les rebâtir. Mais déjà des digues cèdent. Le parti si mal nommé « Les Républicains », héritier d’un Jacques Chirac largement réélu face à Jean-Marie Le Pen en 2002 grâce aux voix de la gauche, a déjà fait savoir qu’il ne donnerait pas de « consigne de vote ».
« Que reste-t-il de républicain aux Républicains lorsqu’ils n’appellent pas clairement à faire barrage au RN au second tour ? J’aimerais que les choses soient dites clairement, qu’ils disent que jamais ils ne donneront leurs voix au RN ou ne gouverneront avec lui », s’est indigné Olivier Faure, premier secrétaire du PS. Dans nombre de circonscriptions, le duel se jouera de fait entre le NFP et le RN. Emmanuel Macron en appelle, lui, à « un large rassemblement clairement démocrate et républicain » face au RN, sans en préciser les contours.
« La leçon de ce soir, c’est que l’extrême droite est aux portes du pouvoir » et « donc notre objectif est clair : empêcher le Rassemblement national d’avoir une majorité absolue au second tour », a, de son côté, déclaré le premier ministre Gabriel Attal qui a appelé au « désistement de nos candidats dont le maintien en troisième position aurait fait élire un député Rassemblement national face à un autre candidat qui défend comme nous les valeurs de la République ». Au sein de la macronie d’autres voies, à l’instar de l’ex premier ministre Édouard Philippe (Horizons) ou de la ministre Aurore Bergé, refusent d’appeler à se désister ou à voter en faveur de la France insoumise.
Du côté du NFP, les choses sont on ne peut plus claires : pas une voix ne doit aller au RN. Les communistes comme les insoumis ont d’emblée fait savoir que partout où ils sont arrivés troisièmes, ils se désisteront en appelant à voter pour le candidat macroniste ou LR faisant face au RN.
« Il est des moments où les principes doivent prévaloir sur les calculs politiciens. Restaurer la confiance de notre peuple en la politique, c’est clairement refuser toute attitude qui contribuerait au succès des pires ennemis de la démocratie », insiste le PCF, qui s’adresse solennellement à l’ensemble des forces républicaines : « Peuvent-elles consentir à voir notre nation défigurée, privée de ce qui lui aura toujours permis de porter en direction de l’Europe et du monde les idéaux de justice, de paix et de coopération entre les peuples, loin de l’idéologie xénophobe et liberticide de l’extrême droite ? ». « La situation est extrêmement grave pour la France. L’heure est au sursaut pour la République », alertent les communistes, dont les députés sortants sont par ailleurs menacés dans nombre de circonscriptions.
Aucune voix ne devra donc manquer
« Nous allons vers un deuxième tour d’une exceptionnelle intensité. Le pays doit choisir. Va-t-il aggraver le pire de ses divisions, celle des inégalités sociales, celle des différences de religion, de couleur de peau, d’origine sociale ou géographique ? Ou bien va-t-il se rassembler pour ne former qu’un seul peuple se consacrant à l’entraide et au bien commun sans condition préalable ? Tel est le choix du deuxième tour », a lancé Jean-Luc Mélenchon.
L’insoumis estime que « le futur n’est jamais écrit d’avance ». Et souligne qu’il « ne s’agit pas seulement de voter contre ou de vouloir faire barrage, il s’agit de voter pour un autre futur respectueux de toute personne humaine et du vivant dans son ensemble. » Car le NFP porte exactement le projet inverse de celui du RN en termes de justice sociale et fiscale, de hausse des salaires, de protection de l’environnement, de défense des droits des femmes, d’accueil des réfugiés. Le 7 juillet, c’est en réalité un choix civilisationnel que les Français devront faire.
Chacun peut mesurer l’immense injustice et l’immense danger que nous font courir les institutions de la Ve République. Alors même qu’il dispose de 35 % des voix, et non pas de 51 %, le RN pourrait rafler une majorité absolue des sièges. Aucune voix ne devra donc manquer.
Tout le pays devra se soulever. « La surprise des jours suivant la dissolution a été l’avènement d’un Nouveau front populaire. La surprise des 24 prochaines heures doit être la construction d’un Nouveau Front Républicain », insiste Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes. Pour repousser le pire et bâtir enfin des jours meilleurs.
Après les résultats des législatives 2024
rage et tristesse place de la République
à Paris
Après les résultats des législatives 2024, rage et tristesse place de la République à Paris « Triste, énervé, sidéré. » Comme Michaël, 30 ans, ils sont des milliers à s’être rassemblés place de la République à Paris ce samedi 30 juin au soir du premier tour des élections législatives, contre l’extrême droite et en soutien au Nouveau Front populaire. Comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous, la foule compacte a scandé « La jeunesse emmerde le FN » ou « Siamo tutti antifascisti », tout en agitant des drapeaux de La France insoumise (LFI), des Jeunes écologistes, du Parti socialiste ainsi que le drapeau indépendantiste kanak et le drapeau palestinien. Chez les manifestants, la colère et la tristesse dominent. « Pour une histoire comme celle de la France, c’est abominable, se désole Séverine, 57 ans. C’est ce qui pouvait lui arriver de pire ce soir. » « Moi-même étant une personne de couleur, j’ai l’impression de me sentir directement visé par les résultats du Front national. Je suis français et j’ai l’impression de me sentir rejeté de mon propre pays », regrette Michaël, 30 ans.