La grève c’est la liberté – 75e anniversaire
de la Grande Grève patriotique des mineurs
du Nord
Terroristes, preneurs d’otage … la machine médiatique du Capital est en marche pour s’attaquer aux grévistes mobilisés pour le retrait de la Loi Travail. Pourtant c’est par la grève que les travailleurs de notre pays ont arraché l’essentiel des conquêtes démocratiques et sociales et même la liberté de notre pays. La grève est un droit, c’est également pour les travailleurs un devoir pour défendre leurs droits ! Et les ouvriers du pétroles et de la chimie en exerçant leur droit s’inscrivent dans la droite ligne du combat pour la liberté, pour la démocratie et les droits sociaux de leurs prédécesseurs des mines du bassin minier du Nord.
Il y a 75 ans, en 1941 les mineurs du Nord Pas-de-Calais déclenchaient l’une des plus grandes et spectaculaire action de résistance en France occupée, la grande grève patriotique des mineurs.
100 000 mineurs furent en grève face à l’occupant nazi et au gouvernement de Vichy : ce fut la grève la plus importante en Europe durant la seconde guerre mondiale. Les femmes y eurent une place prépondérante.
Le 11 novembre 1940, 40.000 mineurs défilent dans la rue, contre la décision de supprimer la journée nationale d’hommage aux victimes de 1914-1918. A partir de janvier 1941, des grèves perlées sont organisées dans le Douaisis.
Ces grèves, partielles mais répétées, entraînent une baisse sensible de la production. L’occupant décide alors, le 1er janvier 1941, d’allonger la journée de travail d’une demi-heure sans augmenter les salaires. Cette décision ravive l’exaspération des mineurs. Les responsables grévistes, par la voix des militants au sein des CUSA (Comités d’unité syndicale et d’action), syndicats clandestins constitués à la suite de l’interdiction des centrales syndicales par Vichy, saisissent l’occasion de ce mécontentement pour engager les mineurs à l’action.
Dès le lendemain, les mineurs entament une série de grèves perlées, en procédant à des arrêts de travail d’une demi-heure au début ou en fin de service. Parti de la fosse 7 de l’Escarpelle, près de Douai, le mouvement s’étend à toutes les fosses des compagnies d’Aniche et de l’Escarpelle puis gagne une quinzaine de puits du bassin minier. Malgré les injonctions et les mesures prises par les autorités françaises et allemandes, le mouvement se poursuit jusqu’à l’arrestation de près de deux cents mineurs. Confrontés à une nouvelle grève à l’Escarpelle en mars, les Allemands font occuper les puits par leurs troupes.
Toutes les conditions sont ainsi réunies pour que le 1er mai devienne une journée marquante. Inscriptions, drapeaux tricolores et drapeaux rouges apparaissent, des tracts circulent. La grève s’étend jusqu’en Belgique, où 100 000 mineurs et sidérurgistes cessent le travail. L’industrie textile est également touchée. La situation devient de plus en plus tendue. Dans ce climat explosif, des communistes et les CUSA s’organisent pour que le prochain mouvement donne lieu à une manifestation importante.
Le 27 mai 1941, la grève est véritablement déclenchée et la condamnation de mineurs à la déportation le 28 mai – effectuées à partir de listes établies par les compagnies minières sur des rapports faits par les ingénieurs et gardiens des mines – enflamme la région : 100.000 mineurs, soit 80% des effectifs défient l’autorité militaire allemande. Partie de revendications sociales, cette grève prend rapidement un tournant patriotique. Les mineurs obtiennent une victoire avec l’augmentation des salaires et l’amélioration du ravitaillement. Mais ils l’a paie au prix fort : Ils sont plus de 1.400 à avoir été arrêtés, fusillés, décapités à la guillotine ou morts sous la torture dans les prisons. Des centaines aussi ont été expédiés vers les camps de concentration, explique Marcel Barrois, président de l’association « Mémoires et cultures de la région minière ».
La répression fut terrible : arrestations, exécutions. Ces mineurs en grève formèrent le premier convoi de déportés français vers l’Allemagne dès le 13 juin 1941. 75 ans après, cette histoire demeure peu connue, voire ignorée.
De revendicative à l’origine, la grève s’est révélée être le prétexte à un mouvement de plus grande ampleur la grève a été tout autant une lutte sociale qu’une atteinte à l’économie de guerre allemande.
« Seule la classe ouvrière dans sa masse aura été fidèle à la France profanée » François Mauriac
Elle restera dans l’histoire comme l’une des plus importantes mobilisations de masse en Europe occupée par les nazis. La grève de Mai-Juin entraîna, à son apogée, 100 000 mineurs et leur compagne dans la lutte. Pour du pain, du savon noir, de l’huile, de meilleures conditions de ravitaillement et de travail et forcément l’indépendance nationale… La répression fut impitoyable. Ce mouvement, il y est vrai circonscrit au Nord-Pas-de-Calais, tarde à gagner sa place dans les manuels scolaires. Il y a vingt ans, l’association « Mai-Juin 1941 » joua un rôle considérable dans la reconnaissance tardive de son caractère patriotique par l’Etat.
Mai 1940. La France capitule. Le Nord-Pas-de-Calais passe sous la botte allemande. Il est rattaché au commandement militaire de Bruxelles en qualité de « zone interdite ». Le patronat des Mines s’apprête à savourer sa revanche sur 1936. Dans un contexte de pénurie alimentaire et pire de difficulté d’accès au marché noir, il renforce sa pression sur les « gueules noires » : allongement de la durée du travail, blocage des salaires, augmentation des cadences et multiplication des brimades ! La surexploitation physique dont sont victimes les travailleurs est un sujet d’étonnement chez les… Allemands même. Dans les mines, le malaise s’exprime par des arrêts de travail dès l’automne 1940. Le 11 novembre, 40.000 mineurs boudent le fond. La grève de l’Escarpelle rythme le mois de janvier 1941… Le 1er mai suivant offre l’occasion au Parti communiste français clandestin d’une démonstration de force. Dans L’Enchaîné du Pas-de-Calais, Auguste Lecoeur, l’un de ses animateurs, appelle à en faire une « journée de lutte contre le double joug de la domination capitaliste et étrangère ». Des « Thorez au pouvoir » ornent les murs des cités où fleurissent les drapeaux rouges…
Une action finalement récompensée !
Cette action a porté un coup terrible à la machine de guerre allemande en lui faisant perdre 500 000 tonnes de charbon. Elle a mis en lumière la dimension collaborationniste du patronat des Mines et de la police française et le rôle d’avant-garde de la classe ouvrière dans la libération du pays. Comme le soulignera l’écrivain François Mauriac : « Seule la classe ouvrière dans sa masse aura été fidèle à la France profanée. » Les murs de la citadelle d’Arras en témoignent encore aujourd’hui… Le premier convoi de déportés à prendre la direction de l’Allemagne sera ainsi composé d’ouvriers-mineurs. La grève n’aura cependant pas été vaine. Pour améliorer le ravitaillement, les compagnies consentiront à la création du Service d’Approvisionnement des Houillères, l’ancêtre des coopératives « CCPM » bien connues des anciens.