Michel Pierre, historien et ancien conseiller culturel à l’ambassade de France à Alger : «L’intérêt stratégique du Sahara a fait prolonger la Guerre d’Algérie»
Le Sahara, son intérêt et l’enjeu qu’il constituait pour la France ont fait prolonger la Guerre d’Algérie. C’est ce que pense Michel Pierre, historien spécialiste en art et archéologie et ancien conseiller culturel à l’ambassade de France à Alger.
« Sans la question du Sahara, l’Algérie aurait eu son indépendance bien avant 1962 »
Auteur du Sahara, le grand récit, ouvrage paru chez Belin en 2014, il a retracé, mardi lors d’une conférence animée à l’Institut français d’Alger (IFA), l’histoire de cet immense espace qui repose sur 9,4 millions km2, et qui va de l’Atlantique à la mer Rouge.
Bien qu’au début de son exposé Michel Pierre insistera sur le regard porté par la France et l’Occident sur le Sahara, depuis des siècles, tout en relevant un « intérêt stratégique », il n’osera, cependant pas, aller dans le détail lorsqu’il arrivera à la période où la France a mis les pieds dans cette région, notamment au Sahel à travers ses interventions au Mali et au Tchad.
Le conférencier s’est contenté presque de faire un récit d’un point de vue artistique, puisqu’il est allé relater les œuvres réalisées, les ouvrages, les films et les traversées d’explorateurs occidentaux.
C’est lorsqu’il sera interrogé par l’assistance qu’il glissera quelques phrases en ce qui concerne les enjeux politiques de la présence des pays occidentaux au Sahara, plus particulièrement la France en Algérie.
Sans la question du Sahara, l’Algérie aurait eu son indépendance bien avant 1962, a-t-il dit, estimant que l’enjeu de ce « désert » « a fait prolonger la guerre de plusieurs mois ».
A l’arrivée de Charles de Gaulle au pouvoir en 1958, l’indépendance de l’Algérie n’était qu’une question de temps, puisque l’homme en était favorable.
Cependant, ce qui a retardé la concrétisation de cette indépendance «c’étaient trois éléments et enjeux importants aux yeux de Charles de Gaulle : le pétrole du Sahara, les essais nucléaires et les fusées satellitaires».
Le président français de l’époque portait un « grand intérêt » pour la question du Sahara, au moment des négociations avec le GPRA et il tenait à bénéficier des richesses pétrolières qu’il recèle, de son espace immense pour effectuer les essais nucléaires, ce qui se concrétisera en 1960 à Reggane, et pour le lancement de la première fusée satellitaire française dans l’espace. «Il faut dire, insiste le conférencier, que les essais nucléaires avaient constitué un gigantesque investissement pour la France.»
Sur le plan géostratégique du Sahara, pourtant soulevé au début de sa conférence, Michel Pierre, tout en reconnaissant que « l’on est devant un chaudron du monde », avec des tensions partout et trois missions des Nations unies : au Sahara occidental, au Mali et au Darfour, n’a pas voulu s’étaler sur les intérêts qui font courir les puissances occidentales dans ce «désert».
Un intérêt qui remonte au XIIe siècle, dit-il, « avec l’or du Soudan » au moment où les Occidentaux avaient besoin de cette richesse pour faire face à leur crise économique. Sinon, le conférencier est longuement revenu sur les explorations faites à travers les années pour cet immense espace, les livres qui ont été écrits et, surtout, les films réalisés, et que l’on continue de réaliser sur cette partie du monde.