• Aujourd’hui je veux vous signaler le beau Site de LULU, il réside dans son village natal de Dampierre (39 Jura) c’est donc mon voisin

     

    Aujourd’hui je veux vous raconter la belle histoire de LULU, il réside dans son village natal de Dampierre (39 Jura) c’est donc mon voisin

    Aujourd’hui je veux vous signaler le beau Site de LULU, il réside dans son village natal de Dampierre (39 Jura) c’est donc mon voisin.

    Aujourd’hui je veux vous raconter la belle histoire de LULU, il réside dans son village natal de Dampierre (39 Jura) c’est donc mon voisin

    Aujourd’hui je veux vous raconter la belle histoire de LULU, il réside dans son village natal de Dampierre (39 Jura) c’est donc mon voisinLucien Converset, dit Lulu est prêtre. A 75 ans, il est parti le 25 mars 2012 avec son âne Isidore en direction de Bethléem, où il est arrivé le 17 juin 2013. Il a marché pour la paix et le désarmement nucléaire unilatéral de la France. De retour en France, il poursuit ce combat. Merci à lui !

     

     

    Lundi 2 février 2015 

    Premier lundi du mois... Jeûne pour le désarmement nucléaire unilatéral de la France.

    Comme tous les 1ers lundis du mois, vous êtes invités à vous associer par le jeûne et (ou) la réflexion, à l'action du groupe ADN "Alerte Désarmement Nucléaire" qui se réunit à la salle de la mairie de Dampierre (39 Jura). 

    Chaque 1er vendredi du mois à Paris, d'autres militants jeûnent aussi et se manifestent silencieusement devant le Ministère de la Défense.

     CLIQUEZ  ICI !

     « Nous ne voulons plus de guerres, 

    Nous ne voulons plus de sang, 

    Halte aux armes nucléaires 

    Halte à la course au néant. 

    Devant tous les peuples frères 

    Qui s’en porteront garants 

    Déclarons la PAIX sur terre 

    Unilatéralement » (Jean Ferrat) 

     

    Voici un exemple de ce que m’est LULU sur son site que vous pouvez aller visiter à cette adresse :

    http://luluencampvolant.over-blog.com/ 

    Mardi 6 janvier 2015

    Ça aurait pu être moi 

    Ça aurait pu être moi, qui ait eu à tirer

    sur l’homme qui vient de tomber. 

     

    Aujourd’hui je veux vous signaler le beau Site de LULU, il réside dans son village natal de Dampierre (39 Jura) c’est donc mon voisin

    Témoignage de Lucien lors des journées "histoires et mémoires de la guerre d'Algérie"

    à Besançon

    Ce que je vais essayer de partager avec vous, c’est une prise de conscience, une avancée en objection de conscience, que j’ai commencée de réaliser au cours de l’opération CIGALLE (du 24 juillet 1960 au 24 septembre 1960), dans l’Ouarsenis. Nous étions sous le commandement du Général CREPIN remplaçant le Général CHALLES. J’étais dans le 3eme RPIMA (régiment parachutiste d’infanterie de marine) à la compagnie d’Appui (C. A.), de la 58 – 2A. Nous venions de quitter Sidi-Ferruch , notre base arrière (B.A.), afin de parvenir au Grand barrage de l’Oued Fodda. C’est là qu’était notre Base Opérationnelle Avancée (B.O.A.). C’est pas très loin de là, que mon ami Jean Marie BUISSET, (originaire de Beaulieu, le grand douaire dans les Ardennes) avait été tué, il y avait un an, durant l‘opération COURROIE sous la direction de général CHALLES, le 29 Mai 1959 dans le secteur de BOGHARI. 

    Nous sommes partis ce soir là, monter une embuscade à flanc de l’Oued El Ardjem. 

    J’ai été désigné avec une dizaine de camarades, ça fait la petite moitié de la section. L’autre moitié est désignée pour une autre embuscade. 

    Je vais vous raconter comment ça s’est passé, comment un homme a été tué, au cours de l’embuscade. Ce qu’il est advenu de lui, et de nous. C’est en faisant cette analyse , que je continue de prendre conscience, que je n’aurais pas dû partir tendre cette embuscade, donc je n’aurais pas dû faire la guerre, donc pas dû partir en Algérie, ni non plus donc, partir soldat… 

    Ce dont je veux essayer de témoigner, ce que je voudrais essayer de montrer, c’est que même si ce n’est pas moi qui ai tiré sur l’homme qui vient de tomber dans l’embuscade, je fais partie du groupe, de la section par laquelle, cet homme a été tué. Je suis français, je suis parti soldat, j’ai malheureusement fait la guerre d’Algérie. 

    De cela, peut on s’en remettre ? Que veut dire s’en remettre ? Comment retrouver un chemin d’humanité ? 

    Ce qui travaille le fond de ma conscience, c’est que j’ai été soldat en Algérie. J’ai été à la guerre d’Algérie. J’ai fait la guerre d’Algérie. J’ai malheureusement fait la guerre d’Algérie. J’ai honte de moi. J’ai honte de mon peuple. Pourquoi n’ai-je pas déserté ? Pourquoi l’Eglise, dont je suis, ne m’a pas aidé, et permis de déserter, de me sauver ? 

    Question du passage de notre responsabilité personnelle

    à notre responsabilité collective et réciproquement. 

    Tout cela me fait dire, que certains faits de guerre et probablement beaucoup de faits de guerre sont commis par nous. Même s'ils ont été effectués par quelques-uns, par quelqu’un, par moi : des fois on me dit, et encore il n’y a pas longtemps : « je n’ai jamais eu à tirer… à tuer… quand j’ai fait mon service en Algérie ». Ce qui me travaille surtout, c’est quand on me pose la question et qu’en même temps, on me fait la réponse : « tu ne t’es jamais trouvé à avoir à tuer ? » 

    Nous avions appris à tendre une embuscade, quand nous finissions nos classes, en France durant mes stages pré AFN à Mont de Marsan et Bayonne. Je ne voyais pas les conséquences de ce que j’apprenais. Je ne percevais pas tout ce dans quoi ça m’engageait. Je vais mettre beaucoup de temps, pour avancer, approfondir en conscience ce que je vis. 

    Pourquoi est-ce que je n’ai pas dit : « Je ne vais pas tendre l’embuscade ». je ne savais pas dans quoi j’allais me trouver engagé. 

    J’aurais dû ne pas y aller ! Mais à cette époque, je ne voulais pas me désolidariser de mes copains, être privilégié et passer à coté de ce qui était dangereux, risqué dans ce sens là. Je ne voyais pas encore, qu’être solidaire de l’humanité, c’est refuser d’aller et de se trouver dans des situations où nous ne pourrons presque plus « choisir d’être homme ». 

      Nous sommes dix à monter l’embuscade 

    L’embuscade commence vers 21 heures 

    Le premier et le dixième montent la garde pendant une heure et demi. C’est ce qui est convenu. Chacun de nous se fiant à sa montre, qu’il a mis à l’heure précise de ses camarades. Les huit autres dorment ou essayent de dormir. Au bout de l’heure et demi écoulée, le dixième réveille le neuvième, et le premier réveille le deuxième. C’est le neuvième et le deuxième qui montent la garde, le doigt sur la gâchette de l’arme qu’ils tiennent. Souvent, c’est une M. A. T. Le premier et le dixième s’endorment… Et ainsi de suite… 

    Cette nuit là, j’avais pris mon tour de garde pendant une heure et demi aussi, et il ne s’était rien passé pendant ce temps là. Aucun homme n’était tombé dans la nasse que nous venions de tendre. Des renseignements souvent obtenus par la torture, nous avaient indiqué, le passage probable de membres de l’A.L.N. par ce sentier sur lequel, nous tendions l’embuscade. 

    Nous avions aussi cet ordre odieux : « vous ne devrez tirer que si c’est un homme qui survient dans la nuit ». Parfois, c’était des sangliers qui rôdaient dans les parages. Déjà quand il fait nuit, et silencieux, tu as peur. Tu luttes pour vaincre ta peur, espérant que rien ne viendra (au moins pendant que tu montes la garde à ton tour) rompre, et le silence et la nuit. Mais quand ça fait du bruit, tu as une peur monstre. Et tu dois évaluer dans cette nuit noire, si le bruit que tu entends est celui d’un sanglier ou celui d’un homme. Et si c’est le bruit d’un sanglier, il t’est interdit de tirer, afin de ne pas alerter et signaler notre présence aux fellaghas, postés dans les environs. Et si, terrassé de peur, le gars qui monte la garde, tire sur un sanglier et le tue, l’accablement qui va lui tomber dessus, et la honte qui va s’en suivre, nous empêchera de nous apaiser, que ce ne soit pas un homme, qui soit tombé sous nos balles. 

    Tu as peur pour toi, pour ta peau. Tu as peur pour les copains. Tu penses peut être plus aux copains qu’à toi, car tu as mission de protéger tes copains. C’est ce qui te motive. 

    Et si tu as évalué, que le bruit qui rompt le silence de la nuit, est fait par un homme, tu es prêt à tirer, tu dois tirer, pour sauver la vie de tes copains et la tienne. 

    Tu ne te poses pas, à ce moment là, la question, de ne pas tuer l’homme qui tombe dans l’embuscade, que tu tends avec tes camarades. 

    C’est en amont qu’il aurait fallu, que je me pose question. C’est après que je me la suis vraiment posée, la question… et je vais mettre du temps, et je crois bien que je n’ai pas fini ni terminé… 

      Voilà comment je me suis posé la question 

    Je viens de monter la garde pendant une heure et demi, à ce bout ci du sentier, et l’autre copain, à l’autre bout de la tenue de l’embuscade. Il ne s’est rien passé durant mon temps de faction. J’ai appelé et réveillé le copain, qui me remplace à monter la garde… Je me rendors. Et voilà qu’une demi heure après, alors que je suis en plein sommeil, une rafale de M.A.T. déchire le silence de la nuit, dans laquelle je m’étais rendormi. Un râle continue à déchiqueter l’enveloppe de cette nuit. C’est celui de l’homme qui vient de tomber dans notre embuscade. 

    Le drame est bien sûr qu’un homme soit mort, tombé criblé de balles. Mais dans la situation où nous sommes, je ne peux pas dire cela. Car ce que nous venons d’accomplir est une sorte de réussite, aux yeux de notre commandement. Alors qu’en fait, le drame est double… Je ne vais pas tarder à le comprendre. Il est même triple. Il va très vite devenir multiple.

    Je ne le sais pas encore, au plus profond de ma conscience. Je vais mettre des heures, des jours, des mois, des années… pour avancer en conscience, en humanité. Car je vais découvrir, que ça aurait pu être moi, qui ait eu à tirer sur l’homme qui vient de tomber.

    Et c’est tombé sur J. Je ne vais pas prononcer son prénom. Parce que je ne veux pas laisser tomber sur ses épaules, dans ses mains, dans son cœur, dans son regard, et dans sa conscience, rien qu’à lui, la responsabilité de cette mort de l’homme. J’ai à en prendre part et à l’endosser moi aussi.

    Je pense que mon camarade ne s’en est jamais remis de ce drame. Nous avons essayé de ne pas le laisser tout seul. Je ne sais plus trop comment nous avons fait, quand nous sommes rentrés à la B.O.A. Je voudrais continuer de ne pas le laisser tout seul, par le fait de ce que je vais continuer de dire dans mon témoignage.

    Aujourd’hui je voudrais que nous allions plus loin et plus profond en conscience, moi et vous, si vous voulez bien.

    Après les coups de feu et le râle de l’homme, le sergent qui commandait l’embuscade a crié à nous tous : « restez couchés… Ne bougez pas ! »

    Nous avions appris qu’un homme blessé par nous, pouvait avoir le réflexe de dégoupiller une grenade et de nous tuer avec lui, si nous nous approchions de lui. L’homme gisait à quelques mètres de nous. Il faisait nuit. « Erat nox » (Jo 13 30).

    Je me souviens avoir lutté quelques instants, pour accompagner dans mon cœur et ma conscience, dans ma pauvre prière aussi :

    - Et l’homme qui était probablement en train de mourir.

    - Et le camarade qui avait eu à tirer.

    C'est dans les jours après que j’ai beaucoup pensé à mon camarade qui avait eu à tirer sur l’homme.

    J’ai essayé de prier. J’ai repensé à Jésus dans le jardin des oliviers, se relevant de son agonie, de sa sueur de sang (Luc 22 44) Les apôtres retombant dans leur sommeil. C’était ce que nous vivions. Aujourd’hui si j’écris les lignes, il me revient cette parole des Pensées de Pascal : « Jésus est en agonie, jusqu’à la fin du Monde ».

    Je me suis rendormi en entendant Jésus, qui me disait : « qu’avez-vous, qu’as-tu à dormir ? (Luc 22 46). Souvent, aujourd’hui, je le réentends, qui me le redit, dans ma conscience quand elle a tendance à s’assoupir.

    C’était une nuit de juillet 1960. Le jour se lève tôt. On voudrait à la fois, que le jour se lève encore plus vite, et en même temps, on voudrait s’endormir pour toujours, tellement le drame que nous vivons est épouvantable.

    Nous nous levons dans une pénombre de l’aurore naissante, les yeux fixés sur le corps de l’homme qui gît à coté de nous, nous assurant qu’il est mort.

    Nous devrions avoir peur de ce que nous venons de faire :

    Nous avons fait tomber un homme dans la mort.

    Nous ne devrions pas craindre, ce que l’homme tombé pourrait nous faire.

    Comment allons-nous, nous en sortir de ce drame ? Nous aurons du mal de voir que nous sommes tombés dans un gouffre avec l’homme. Comment faire pour que notre humanité ne s’y fasse pas enfouir et engloutir ? C’est pas beau ce que nous venons de faire. Comment allons-nous essayer de ne pas sombrer davantage, dans l’inverse de ce qui est humain, dans le contraire de ce que doit être l’humanité.

    Tout n’est pas beau dans ce qui va continuer de se faire autour du corps de l’homme.

    Il est dépouillé de ses vêtements et fouillé. Je repense à Jésus dépouillé de ses vêtements (Luc 15 20), (Luc 27 35), (Jo 19 11).

    L’homme a des papiers sur lui. L’argent qu’il a sur lui est récupéré et il est remis pour la caisse noire de la compagnie. Dans quel but ? A quoi ça va servir ? je ne sais plus s’il y avait de l’argent sur l’homme. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il y avait toute une série de décrets de loi orale, non écrits, dont nous avions connaissance et que nous avions reçus des anciens de la compagnie « du temps du capitaine Sch. Voilà comment ça se passait quand on descendait un fel, dans une embuscade »

    L’argent revenait donc à la caisse noire de la compagnie.

    La montre de l’homme revenait à celui d’entre nous, qui l’avait tué.

    J. notre camarade ne voulut pas de la montre.

    Aujourd’hui voilà ce que je me dis :

    J. n’avait pas voulu de la montre. Aujourd’hui ce fait me parle beaucoup. Je me dis que J. nous fait voir par là, que si c’est à lui que c’est arrivé de tirer sur l’homme, tombé en embuscade, ce drame aurait pu se passer à un autre moment, où c’était quelqu’un d’autre qui était de faction. Et moi, je pense que ce qui est arrivé à J. ça aurait pu m’arriver à moi. Comment nous défaire du poids de ce fatalisme ? en endossant chacun une part de cet événement, mais aussi en remontant en amont, afin de ne pas sombrer dans cet enfer – mement, afin de ne pas s’y laisser enfermer ni emprisonner. Parce que l’enfer-me-ment.

    Je vais mettre du temps pour avancer en conscience, de ce qu’il faut faire, dans un tel drame, et de ce qu’il ne faut pas faire et aussi, de ce qu’il aurait fallu ne pas faire. Depuis j’ai beaucoup appris à remonter en amont des faits, en nous assemblant à plusieurs, afin de ne pas nous polariser uniquement sur les conséquences d’un événement mais en cherchant les causes. Remonter en amont : je repense à nos rencontres en JOC, ACO, ACE, SCEJI, PPH, MRJC, CMR, ATD Quart Monde, CCFD.

    Ce n’est pas quand nous sommes au cœur d’un drame, qu’il faut nous dire : « je ne devrais pas être là… Si seulement je n’étais pas là… » C’est avant.

    C’est maintenant donc qu’il nous faut remonter en amont de ce que nous vivons, présentement et prendre des décisions, particulièrement dans le fait, de ne pas repartir en guerre, et pour cela d’enrayer non seulement nos fusils mais la fabrication et le trafic et commerce d’un armement, et particulièrement de l’armement nucléaire de la France.

    J’aurais voulu ne pas me trouver dans le flanc de l’oued El Ardjem ce dimanche matin, en plein Ouarsenis. Mais j’y suis. Comment je vais m’en sortir ? Comment mes camarades et moi, nous allons nous en sortir ?

    Parmi les lois non écrites, qui couraient dans le régiment parachutiste dans lequel je me trouvais incorporé, il y avait celle là, dont je vais parler plus loin : le cadavre des morts supposés être des fellaghas sont laissés à pourrir sur le terrain.

    J’aurais voulu ne pas me trouver dans le flanc de l’Oued El Ardjem en plein Ouarsenis, ce dimanche matin.

     

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    Pour cela, je dois lutter aujourd’hui de toutes mes forces, pour que nous arrêtions de partir en guerre, que nous arrêtions de fabriquer et de vendre des armes, et particulièrement, les armes nucléaires. Parce que, quand il y en aurait un qui aurait déclenché, l’arme nucléaire (voir le triomphalisme de Manuel Valls à propos du Mégajoule de la simulation du nucléaire du 28 octobre 2014), ce qui adviendrait par la suite, serait tellement inhumain, que nous ne pouvons pas savoir

    - ce que nous ferions,

    - ce que nous pourrions faire,

    - ce qu’il ne faudrait pas faire.

    Parce qu'une fois, que nous sommes partis à la guerre, nous sommes enfermés, c’est l’enfer-me-ment. Et l’enfer me ment.

    Je conteste et fais objection de conscience, dans le sein de ma mère l’Eglise, je le réalise dans la foi et l’amour : pourquoi ne m’as-tu pas aidé et permis de déserter en 1958 – 1960, pourquoi ne m’as tu pas aidé à ne pas entrer en enfer-me-ment. Nous sommes coincés, enfermés, prisonniers, dans une situation où nous ne pourrons plus avoir un comportement d’homme. Je suis enfermé. L’enfer me ment.

    Je conteste et fais objection de conscience, dans l’espace d’amour et de foi, créé par ma mère l’Eglise pour m’engendrer, me mettre au monde, donner sens à ma vie. Pourquoi n’est-elle pas allée probablement, par crainte de l’Etat, et du Pouvoir, jusqu’à remettre en cause la guerre d’Algérie.

    Aujourd’hui de même manière et nature , pourquoi l’Eglise ne revient pas sur le fait qu’elle cautionne l’Etat français dans sa politique d’armement nucléaire qui est criminel (voir la déclaration des évêques de France du 8 novembre 1983).

    De la même manière, la France ne revient pas sur sa politique d’armement (fabrique et commerce) notamment avec Israël, qui à chaque opération

    - (Plomb durci déc 2008- janv.2009)

    - (Protection des frontières en été 2014)

    expérimente l’augmentation de la dangerosité des armes (chercher à déchiqueter plus efficacement les gens).

    Et pendant qu’avec nos amis du MANV et Jean Marie Muller, nous demandons l’arrêt de l’armement nucléaire de la France de manière unilatérale, en nous engageant dans une culture de la non-violence, nous apprenons qu’en pleine assemblée générale des évêques à Lourdes (3-9 novembre 2014), pendant que les évêques continuent à se justifier de ne pas s’engager, à demander l’arrêt de l’armement nucléaire unilatéral de la France, deux séminaristes du diocèse aux armées s’engagent dans les rangs de l’armée pour acquérir une culture militaire. Je me fais un devoir de dire NON ! Arrêtons ! de cautionner et de bénir le massacre (voir le journal La croix du 7 novembre 2014).

    Une fois que nous sommes partis à la guerre, nous ne sommes plus des hommes. Nous sommes dans des situations, où nous ne pouvons pas être des hommes.

    Donc il ne faut pas y aller.

    Vous comprenez que si je dis comme Bernard GERLAND « ma guerre d’Algérie » je dis aussi « notre guerre d’Algérie ».

    Le vieux CATON disait en terminant ses discours à l’assemblée de la ville de Rome « delenda est Carthago » « il faut détruire Carthage» C’est la pratique de la culture de l’armée, la culture militaire de Rome, de la Pax Romana.

    Eh bien je dis que non seulement à Rome, dans l’Eglise de Rome, mais dans l’Eglise Universelle, pour que l’humanité ne soit pas « délenda » «détruite » « déchiquetée », défaisons-nous de l’armement nucléaire de notre Etat, de notre pays, de cet Etat qui nous a volé notre jeunesse, à nous gens de ma génération, en tuant la jeunesse de l’Algérie (ce sont les jeunes dynamiques, les résistants qui souvent, sont tués, en premier dans une guerre). C’est ce qui c’est passé en Algérie, entre 1954 et 1962. Et c’est ce qui va se passer encore, durant les Années Noires 1990-2000).

    Aujourd’hui je suis dissident de l’Eglise catholique et de l’Etat français, pour pouvoir être constructeur de l’humanité. Je ne démissionne pas, mais je me démunis. Ne démissionnons pas, mais démunissons nous de toute violence.

    Je sens bien que si ce n’est pas moi qui ai tiré sur l’homme de l’Oued El Ardjemm, ça aurait pu être moi. 

    Je suis donc impliqué dans la mort de cet homme.

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    Mais sont impliqués aussi tous ceux et celles qui nous ont embarqués, poussés, obligés à faire cette guerre, comme ils nous poussent et nous obligent, jusqu’à en violer notre conscience à nous impliquer dans la guerre actuelle du Moyen Orient et d’Afrique, et dans la fabrication et la vente des armes et dans la préparation d’une guerre nucléaire.

    Quand on se trouve comme moi, comme la poignée de mes camarades, impliqués à tendre une embuscade, dans le but de tuer des hommes, le champ laissé à nos consciences, pour rester des hommes est très limité et réduit. Des fois il disparaît totalement.

    D’autant plus que surgissent dans un régiment comme celui dans lequel, je me trouve incorporé, des lois, non écrites : « les morts fellaghas où supposés tels, sont laissés sur le terrain ». J’avais fait des opérations avant celle ci dans la région d’El Milia, qui m’avaient prouvé, que les cadavres des hommes tués, pourrissaient sur le terrain et étaient mangés par les chacals.

    Sans nous en apercevoir, nous avons fait là, un recul terrible en humanité. Nous avons basculé notre humanité en arrière. Nous nous sommes poussés à reculons, les uns les autres, pour nous reporter avant le moment de la préhistoire, où les humains ont commencé de donner des signes qu’ils devenaient des hommes, en enterrant leurs morts.

    Nous sommes assis sur nos sacs à dos, autour du cadavre de l’homme de l’Oued El Ardjem, qui commence à se décomposer dans la chaleur torride de juillet.

    Durant toute la matinée de ce dimanche, je lutte au plus profond de ma conscience, pour oser demander, au commandement de ma section et de ma compagnie, l’autorisation d’enterrer le corps de cet homme de l’oued El Ardjem. C’est long et difficile, d’oser se lever, et ressurgir de là, où la violence et la peur, nous ont fait tomber et nous maintiennent enfermés. C’est dur et difficile de chercher à aller à contre courant du mouvement ambiant qui consiste à laisser pourrir les corps des hommes que nous avons tués.

    Ce qui m’apparaîtra être la grâce de Jésus, m’est donnée comme humble force, pour me lever, et oser affronter ceux à qui on a fait croire qu’ils avaient autorité et droit, d’enfouir plus bas que terre, notre humanité et la leur. J’appellerai cela « une humble audace ». Je me lève.

    Cette humble audace m’est donnée par la médiation de quelques femmes, que je prie, d’être là, près de moi, avec moi, bien qu’elles soient très loin dans le temps ou l’espace. Qui donc est là, tout proche de moi ?

    - SUZANNE, ma maman…Il me revient dans mon cœur de fils, soldat, toutes tes luttes, Maman, et tes paroles de résistance et de résilience, lorsque ta vie partait là, où tombe notre humanité… A cette heure, en ce dimanche matin, tu es à la messe à Dampierre avec notre papa, mes sœurs et mon petit frère. C’est toi et notre papa, qui m’avez mis sur le chemin du respect de tout homme, et appris à ne laisser tomber personne, dans la mort et le mépris…

    - ANTIGONE, jeune fille qui s’est opposées aux décrets de son oncle Créon, détenteur du pouvoir. Il lui interdisait de recouvrir avec de la terre, le corps de son frère Polynice, tué dans une guerre fratricide. Antigone est tenace, pour donner à son frère une sépulture. Elle nous dit : « je ne suis pas venue sur terre, je ne suis pas née pour haïr mais pour aimer ».

    - MARIE, la mère de Jésus, serrant son fils, qui vient d’être décloué de la croix, transpercé. Elle le tient serré tout contre son corps, ce corps d’où il était sorti. Pieta, sous le regard d’une escouade de soldats : « je vous salue Marie, bénie avec toutes les femmes de la terre », vous apprêtant à déposer, le corps de votre fils, dans le ventre de la terre.

     - MADELEINE qui au lever du jour au matin de Pâques, vient embaumer le corps de Jésus : « Dis-nous Marie Madeleine, qu’as tu vu en chemin ? »

    Ce sont les femmes qui, pour que ressurgisse notre humanité, savent chercher et trouver les gestes, afin d’enterrer les morts sans les enfouir, de sorte qu’ils puissent repousser… Comme quand quelqu’un plante un petit arbre.

    Oh qu’elles sont merveilleuses tes mains maman, qui ont été les premières, à m’élever en humanité, quand je suis sorti de toi.

    En vous saluant Marie, maman de jésus, et vous Marie Madeleine, Antigone, Suzanne, ma maman, je contemple vos mains, leur délicatesse, l’humble audace avec laquelle vous savez approcher nos corps d’hommes, accomplir les gestes dans lesquels, vont pouvoir être sertis, les mots libérateurs qui vont faire surgir, notre parole d’homme. Une fois encore, c’est par vous femmes, que « le Verbe va se faire chair ». (Jean 1 14).

    Me voilà donc rendu fort, par la présence de ces femmes. Je peux oser affronter ceux à qui l’État à donné droit de vie et de mort sur nous tous.

    Je m’adresse au sous lieutenant de ma section :

    - « je ne peux pas laisser pourrir cet homme sur le terrain. Est ce que vous me donnez l’autorisation de l’enterrer ? »

    - Ricanement du sous lieutenant qui me renvoie au lieutenant, qui fait fonction de capitaine de la compagnie. Je vais demander à ce lieutenant. Lorsque l’aumônier était venu célébrer la messe quelques temps au paravent, au régiment, j’avais remarqué que le lieutenant était à la messe. Je lui dis les mêmes paroles. Par contre, lui me signifie que je peux enterrer l’homme.

    Au camarade qui m’est le plus proche, je demande : « veux tu m’aider à creuser la terre pour enterrer cet homme ? »

    Et nous nous mettons à l’œuvre, en utilisant la petite pelle U.S. que nous avions avec nous.

    Bien que le sol soit très rocailleux, nous arrivons à creuser un trou, dans la terre du flanc de l’Oued El Ardjem. L’homme va enfin pouvoir reposer, dans le ventre de la terre, notre mère. Tout cela s’accomplit, dans un silence de… Vie.

    Il n’y a que le bruit de la pelle, avec laquelle, nous creusons la rocaille. Pas le moindre soupçon d’un mot de reproche, mais au contraire, un regard, tout pétri de fraternité solidaire, de la part de nos camarades, qui vont pour un temps, cesser d’être, « des compagnons d’armes ». Nous avons trouvé de la force, les uns grâce aux autres, pour nous désarmer, pour nous démunir de nos puissances violentes. Nous ne parlons pas.

    Ce sont nos regards mutuels que nous entendons parler, particulièrement, le regard d’A., harki obligé de s’engager, en tant qu’ « interprète » dans notre compagnie, il y a un an et demi, et qui dans la nuit de Noël 1959 en Kabylie, à Ou Maden, m’avait dit : « Lulu, Allah ne me veut pas dans son paradis, car j’en ai tué 17 de ma race, dont 4 cousins ».

    En creusant ce trou dans le ventre de la terre, afin de lui confier, l’homme que nous venions de tuer, même le lieutenant qui lui non plus, ne bouge pas et ne dit rien, accompli ce geste de sépulture avec nous.

    Car il s’est dessaisi du pouvoir et de l’ordre odieux de ne pas enterrer les morts, quand il a accepté que nous enterrions l’homme dans le flanc de l’Oued El Ardjem.

    Nous redevenons des hommes, lui et nous.

    Nous remettons humblement notre humanité à sa place, dans l’évolution du monde.

    Pauvre petite espérance en notre humanité ! Que tu es belle !

    Mais c’était sans compter, avec les autorités supérieures du poste de commandement (P.C.). En effet, nous étant assis à nouveau sur nos sacs à dos, il y a à peine une heure que l’homme repose dans la terre, que nous entendons le radio du P.C. émettre sur les ondes qui arrivent sur notre chanel :

    - « Ici P.C. m’entendez vous ?

    - oui, ici Bleu, nous vous recevons.

    - Votre prise de cette nuit nous intéresse beaucoup. Un hélicoptère part sur votre position, dans quelques instants, préparez le cadavre ! »

     Le sous lieutenant qui avait ricané, me regarde et me dit :

     - « Converset, tu sais ce qu’il te reste à faire ».

    Oh comme se fut douloureux, pour trois de mes camarades et pour moi de déterrer l’homme de l’Oued El Ardjem, de l’extraire et le désincarcérer, de le sortir du ventre de la terre, de l’endroit où nous l’avions fait reposer.

     Je sentais que de ces mains de Mère, la Terre luttait de toutes ses forces vives, pour le retenir. Je l’entendais qui nous disait : « Terre des hommes… Je suis la Mère des hommes ».

    Nous menions avec elle, un combat inhumain.

    A nouveau, nous cessions d’être des hommes.

    Avec mes trois camarades, nous portons l’homme jusqu’à l’hélicoptère et nous le hissons dans la carlingue.

    J’entends encore le bruit des pâles de l’hélicoptère, volant l’Homme à la Terre, en le lui dérobant.

    Je ne saurai jamais, ce qu’il est advenu du corps de l’homme de l’Oued El Ardjem, sur ordre du poste de commandement.

    Je crains, qu’il ait été balancé dans la mer, une fois que l’on aura estimé avoir fait sortir, de lui, tout ce que on aura pu en tirer.

    Hélas, j’apprendrai des années après, que ce que m’avaient dit mes camarades de section, de compagnie et de régiment, à la base arrière de Sidi Ferruch, et que je trouvais horrible, était bien vrai.

    Grâce au livre de Marie-Monique ROBIN « Les escadrons de la mort », j’apprendrai que dans les années 1961-1962, au moment de l’O.A.S., à peine avant les accords d’Evian, les méthodes de « la Guerre », écrites par le colonel Roger TRINQUIER, sont exportées à l’école de guerre des États Unis.

    Ces méthodes ont été affinées, particulièrement, dans le 3ème RPIMA, pendant la Bataille d’Alger, et durant l’exécution du plan CHALLES. Méthodes, qui pour faire disparaître, les corps des hommes et des femmes, prisonniers, blessés, torturés, achevés, vont être jetés à la mer. Ça donnera, dans l’Argentine du président Videla, que les corps de certaines Mères de mai, les corps des religieuses franc comtoises, Alice DOMON très probablement, et Léonie DUQUET très certainement, et combien dont nous ne savons pas les noms, seront jetés à la mer, plus loin que l’embouchure du Rio de la Plata, après le 8 décembre 1977.

     

    Afin que la mer Méditerranée

    Mare Nostrum

    Soit Mater Nostra

     Et non pas Cimetière Marin

     Pour que nos vies ne soient pas méprisées

     Ni non plus nos corps jetés à la mer

     Pour que ne soit pas démolie ni non plus cassée

     Notre Humanité

     Pour qu’elle ne soit pas « délenda est »

     Je demande, nous demandons

     Que notre pays la France

     Arrête de fabriquer et

     Vendre des armes,

     Des rafales et autres engins de mort,

     Et tout particulièrement,

     Les armements nucléaires.

     Nous le demandons de manière unilatérale.

     Et que l’argent englouti dans cette œuvre de mort,

     Soit reversé aux parents qui n’ont pas les moyens

     De faire vivre leurs enfants.

     Si je ne résiste pas, devant tous ces faits odieux, si je ne dis rien, je suis complice.

     Je suis consentant. Je pactise avec la puissance destructrice et criminelle qui est nôtre. De cela je veux me démunir, de cela, nous nous défaisons, et avec Jean FERRAT nous chantons :

     

      Nous ne voulons plus de guerres,

     Nous ne voulons plus de sang.

     Halte aux armes nucléaires,

     Halte à la course au néant.

     Devant tous les peuples frères,

     Qui s’en porteront garants,

     Déclarons la Paix sur Terre

     UNILATÉRALEMENT.

      

     

    Lucien CONVERSET

    (Dit LULU)

     


     


     

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