Algérie – France : le message
de Tebboune à Macron
et à l’extrême droite
Face aux attaques dont fait l’objet l’Algérie en France ces derniers mois, le président Abdelmadjid Tebboune a pris la parole pour adresser deux messages.
Le premier est destiné à son homologue français Emmanuel Macron qu’il a épargné, le second, il l’a réservé à l’extrême-droite qu’il a violemment chargé.
L’Algérie est attaquée par une frange de la classe politique française foncièrement hostile au rapprochement entre les deux pays, notamment dans le dossier mémoriel.
Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a abordé ce point dans sa dernière sortie médiatique diffusée samedi 5 octobre par la télévision algérienne.
Le chef de l’Etat a exprimé la constance de la position de l’Algérie en répétant la vision de l’ancien président Houari Boumediene sur le sujet, il y a près d’un demi-siècle.
Les présidents Tebboune et Macron ont entrepris d’ouvrir une nouvelle page dans la relation bilatérale en avançant notamment dans le règlement du litige mémoriel.
A l’issue de la visite du président français en Algérie et la signature de la Déclaration d’Alger en août 2022, le dossier a été confié à un panel d’historiens, cinq Algériens et cinq Français, appelés à travailler sur la mémoire de la guerre d’Algérie et de la colonisation « loin de la politique ».
Le projet de réconciliation mémorielle a fait toutefois face à une farouche résistance en France des milieux d’extrême-droite et des nostalgiques de l’Algérie française. Par leur pression, ces lobbies ont fait beaucoup de tort à la relation bilatérale.
En pleine crise avec Paris provoquée par l’alignement de la France sur les thèses marocaines sur le Sahara occidental sur la pression du même courant politique, le président Tebboune a évoqué l’état actuel de la relation et s’est attardé sur le volet « mémoire ».
C’était samedi dernier dans un entretien avec des représentants de la presse nationale. Tebboune a invité la partie française à aborder « les vrais sujets » que sont les retombées de son passé colonial en Algérie, plutôt que de tourner autour de « faux débats », comme la révocation ou non de l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration.
Litige mémoriel Algérie – France : Tebboune déterre une phrase prononcée il y a 50 ans par Houari Boumediene
Le président algérien a envoyé un message de fermeté. « On ne peut pas effacer l’histoire », a-t-il dit, rappelant que le passé colonial de la France est jalonné de crimes indélébiles, de « l’armée génocidaire de Charles X » aux essais nucléaires et chimiques dans le Sahara algérien, en passant par la tentative d’effectuer en Algérie « le grand remplacement, le vrai ».
« Je te connais comme président, tu es éloigné du colonialisme, tu n’y a pas pris part, tu es d’une autre génération », a dit Tebboune à l’adresse d’Emmanuel Macron.
A propos de la crise actuelle, le chef de l’Etat a assuré qu’il préserve « le cheveu de Muawiya », en référence à la célèbre expression du premier calife omeyyade qui signifie ne pas rompre totalement le lien avec une partie avec laquelle on est en désaccord.
« Mais, a-t-il ajouté, il ne faut pas laisser les gamins le couper (ce cheveu) ». Une manière de signifier que les extrémistes français ont poussé la relation entre les deux pays au bord de la rupture.
Si l’Algérie est disposée à ouvrir un nouveau chapitre de coopération et d’entente avec la France, elle n’est en revanche pas prête à oublier les affres du colonialisme.
C’est sa position constante depuis plusieurs décennies. Tebboune a rappelé une phrase prononcée par l’ancien président Houari Boumediene à l’occasion de la visite en Algérie de l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing, en 1975 : « Je tourne la page mais je ne la déchire pas ». « Aujourd’hui encore, nous disons : nous tournons la page sans la déchirer. Mais il faut lire ce qui est écrit sur cette page », a tranché Abdelmadjid Tebboune. Une façon d’expliquer que le président Macron n’est pas à l’origine de la récente campagne hostile contre l’Algérie.
Le chef de l’Etat a adressé un message clair au président Macron qu’il est prêt à poursuivre avec lui la refondation des relations entre les deux pays, et a chargé la minorité « haineuse et raciste » qui « cherche à faire détester » l’Algérie aux Français. Un avant-goût de quoi sera la relation entre Alger et Paris si l’extrême droite accède à l’Elysée en 2027.
SOURCE : Algérie – France : les messages de Tebboune à Macron et à l’extrême-droite (tsa-algerie.com)
De Villepin répond à l’extrême droite
française
Relation entre l’Algérie et la France
L’ancien Premier ministre français déplore la dégradation des relations franco-algériennes et critique la tentation de faire de l’Algérie un bouc émissaire, notamment sur les questions d’immigration.
Dans une intervention remarquée sur France Info ce lundi 7 octobre, Dominique de Villepin, ancien Premier ministre français sous Jacques Chirac, a pris la défense de l’Algérie, qualifiant ce pays de « frère » et de « grand pays ami ».
Face aux tensions diplomatiques croissantes entre Paris et Alger, Dominique de Villepin a appelé à une reprise du dialogue et a critiqué les récentes attaques et accusations portées contre l'Algérie, les jugeant « exagérées » et « déconnectées de la réalité ».
Une relation en dégradation constante
L'ancien chef du gouvernement s’est alarmé de la dégradation des relations entre la France et l’Algérie, un phénomène qui, selon lui, s’accélère depuis plusieurs années. « Cela fait, malheureusement, de longs mois, pour ne pas dire années, que l’on voit la relation avec ce grand pays ami et frère se dégrader jour après jour », a-t-il regretté. Cette détérioration, marquée par des tensions mémorielles et des désaccords diplomatiques, a conduit à une situation où les accusations dépassent « de loin, toute réalité », a-t-il souligné.
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait récemment exprimé sa frustration à la télévision en excluant de se rendre en France, accusant l'Hexagone de « génocide » pendant la colonisation. Cette escalade verbale s’inscrit dans un contexte où les deux pays peinent à trouver des terrains d'entente sur des sujets majeurs, tels que l’immigration ou les droits mémoriels.
Immigration : la question des accords de 1968
Autre point de crispation, la révision potentielle des accords de 1968 qui accordent aux Algériens un statut particulier en matière de droit de séjour et d'emploi en France. Le chef d’Etat algérien avait dénoncé cet accord comme étant devenu un « étendard derrière lequel marche l'armée des extrémistes » en France. Dominique De Villepin a abondé dans ce sens, mettant en garde contre la tentation de « brandir aujourd'hui le symbole de l'accord de 1968 », car cela pourrait ouvrir « une guerre des mémoires ».
L’ancien Premier ministre a rappelé que ces accords de 1968 étaient une conséquence directe des accords d'Évian de 1962, qui ont marqué l'indépendance de l’Algérie. « Tout cela est absurde, il y a d'autres chemins », a-t-il affirmé, appelant à des solutions concertées et respectueuses des relations historiques entre les deux pays.
La nécessité du dialogue et du respect
Pour Dominique de Villepin, le rétablissement des relations entre Paris et Alger passe par une approche fondée sur le dialogue et le respect mutuel. « Nous ne réglerons pas la question de l'immigration, des Algériens détenus en centres de rétention administrative, qu'en accord avec l'Algérie », a-t-il expliqué. Cette collaboration bilatérale est selon lui essentielle pour apaiser les tensions et trouver des solutions viables aux problèmes actuels.
L’ancien diplomate a également insisté sur la nécessité d’assumer l’histoire partagée entre les deux nations. « Ça implique le dialogue, ça implique le respect et ça implique la capacité d'assumer cette histoire que nous avons, qui est partagée et qui est si importante des deux côtés de la Méditerranée », a-t-il conclut.